«PÈRE, JE REMETS MON ESPRIT ENTRE TES MAINS»



Le titre de cet article est l'une des dernières Paroles du Christ sur la croix avant de rendre l'âme. Nous sommes en droit de se demander ce qu'il a bien remis au Père en ces moments ultimes. Quelle Lumière ces Paroles peuvent bien nous apporter en ces temps modernes où l'accent est mis sur l'affirmation de soi, la prépondérance du mental et de la volonté, où tout est axé sur la recherche de la performance et de l'intensité de vivre?

Il suffit d'entrer profondément à l'intérieur du Soi pour réaliser que nous vivons dans un monde où nos projections sur la vie sont falsifiées et inversées par rapport à l'enseignement de Jésus. Nous croyons combattre nos maladies par notre seule force de volonté. D'autres, plus téméraires croient défier la mort. Il n'y a aucun endroit où le mental n'agit pas souverainement. Il y a donc une tendance lourde qui nous pousse à agir de cette façon, en direction opposée à la Lumière, et c'est la peur. On ne parle pas de peur physique comme celle d'être en présence d'un serpent, mais de la peur psychologique qui dicte inconsciemment notre conduite en bien des situations.


Par exemple, l'attachement à notre petite personne est une réelle illusion qui entretient la peur de la mort. En vérité, seul ce qui est appelé à disparaitre a peur de disparaitre. Nos personnalités sont construites sur le manque de Lumière et c'est la raison principale de nos appréhensions en ce domaine. Et pour cause, ce qui est appelé à disparaitre a toutes les inquiétudes à avoir face à la mort, raisons pour lesquelles nous nous cramponnons à des croyances religieuses qui ne sont que des pis-aller pour compenser notre absence d'expériences spirituelles.

Et pour cause, toute notre vie, nous recherchons des choses qui nous semblent permanentes dans un monde où tout est éphémère. Nous cherchons à nous enraciner en un lieu stable, à nous inscrire dans une descendance sélecte, à maintenir des liens indéfectibles, à nous identifier à un travail important, à solliciter une reconnaissance sociale qui viendra, en quelque sorte, renforcer l'image que nous nous faisons de nous-mêmes.

Bien sûr, nous savons que notre corps est programmé pour disparaitre un jour, mais l'inquiétude inconsciente que cela engendre conditionne bien des comportements dans nos vies. Somme toute, nous avons peur du mystère, de l'inconnu, du néant, du vide qui nous habite du seul fait que cela nous rappelle constamment que nos vies reposent que sur des abstractions, que sur de faux semblants, que sur des choses dont le contrôle peut nous échapper en tout temps.


La vie dans l'univers s'accompagne d'une Intelligence universelle qui n'a que faire de l'intellect humain. Cette Intelligence, ce Savoir s'observe partout dans la nature pour qui sait s'arrêter.

Depuis des millions d'années, elle se déploie tant dans les règnes végétal, animal que dans la sphère humaine, et ce, dans un écho système parfait. Moins nous intervenons dans l'écho système planétaire, mieux il se comporte. Comment expiquer que l'homme, se disant intelligent en regard des animaux, se targuant d'être au sommet de cette lente évolution, puisse se retourner contre sa planète nourricière, puis s'en approprier et la détruire par cupidité?

La reconnaissance d'une Intelligence planétaire qui soutient la nature, à l'image du Grand Esprit, est déjà un profond geste d'humilité et de gratidude de notre part. C'est vraiment le premier pas à faire en réconciliation avec la terre, avec le cosmos et l'Absolu qui soutient cet univers en référence à la Source, le Père.

Mais, pour prendre la place réelle qui nous est désignée dans cet univers subtil, nous devons faire un autre pas, beaucoup plus important encore, qui va dans le sens d'une reconnaissance que cette Intelligence divine est lovée en Nous, qui va d'un constat que ce qui fut appelé «le Royaume des Cieux» est en Nous. Pas nous en tant que personne, mais Nous en tant qu'Essence divine.

En amont de la conscience, nous sommes donc Lumière, nous Sommes Éternité de par notre filiation divine. La réunification des deux aspects de notre Être est initiée par un mystérieux passage ésotériquement appelé la Porte Étroite, symbolisant une étape ultime à franchir. Le passage de cette Porte Étroite est le désillusionnement de la vie, l'apprivoisement de la peur de disparaitre, et ce, dans le geste ultime d'abandon du Soi.

L'abandon du Soi à pour effet de dégager un espace intérieur de Liberté totale, une vacuité de pensée et de conscience où le divin est habilité à se dévoiler spontanément. Il faut créer un vide intérieur pour ensuite être rempli.

Il est nécessaire de rappeler que nous vivons réellement dans des univers inversés. Ce que le mental-égo appelle le néant est la Plénitude sur les plans de Lumière. Depuis ces plans de Lumière, notre monde n'est qu'illusions, projections et, le plus souvent, vide de sens.


L'évocation sur la croix «Père, je remets mon esprit entre tes mains» est une reddition totale, un abandon sans appel de son éphémérité à la Lumière, à son Essence Éternelle, sous l'appellation Père. C'est, bien sûr, la mort de l'égo, du personnage, de toute velléité de volonté personnelle, mais également la résurgence du Soi Éternel suite à sa connexion avec la Source.

C'est la promesse du Christ, non seulement en sa résurrection, mais la promesse de la vie éternelle de tout être humain empruntant ledit chemin: «Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne va au Père que par moi».


Il ne nous a jamais été demandé de laisser femme, enfants, maison, travail, et d'aller vivre une ascèse en réclusion quelque part pour accéder à notre Éternité. Il y a plutôt un long travail quotidien de désillusionnement sur notre vision de la vie, sur l'image que nous nous faisons de notre personne éphémère.

Dans cette démarche, évitons surtout de devenir moralistes en jouant le jeu de la dualité religieuse: bien/mal, croyant/athée, sauvé/damné, etc. Il est plutôt salutaire de développer une vision claire de ce qui est illusoire et éphémère pour nous-mêmes, et non pour les autres. Ce parcours ultime, cette Porte étroite, en référence à ce qui est écrit plus haut, ne concernent que le Soi dans l'actualisation de sa Source.

Yvon Gagné


Il n'y a aucune Porte Sainte à franchir si ce
n'est celle qui est à l'intérieur de soi.


Le Christ est un modèle, non pas à suivre, mais à intégrer.
Il est un repère pour notre Libération, un
repère inscrit dans l'histoire.


La restitution de l'esprit à la Lumière est un sacrifice, le sacrifice en
la croyance en une individualité toute puissante, se croyant
réelle, voire immortelle dans son comportement, mais
toutefois victime de son propre point de vue.