L'ÉVEIL DU RÊVE



LES RÊVES

Notre conscience est vraiment captive d'une succession de pensées tous azimuts auxquelles nous adhérons, nous donnons corps sans pour autant nous interroger de la pertinence de ces dernières. Il suffit de méditer quelques minutes pour se rendre compte de tout le train d'enfer qui circule dans notre tête tout en étant dépourvu de moyens d'apaisement.

Aussitôt endormie, la machine à penser n'a de cesse de tourner pour autant. Alors, nous disons rêver. Mais, à bien y penser, la vie ne serait-elle pas un rêve en continu avec des pensées qui viennent de nulle part et qui, le plus souvent, ne mènent nulle part? Combien de fois entendons-nous parler de l'importance de nos rêves en tant qu'exutoire de nos sentiments refoulés?

En faisant abstraction du niveau de conscience qui diffère quelque peu de l'état de veille à celui de rêve, le mental considère ces deux états comme le prolongement de l'un par rapport à l'autre. Notre quotidien stimule nos rêves et ces derniers déteignent sur nos vies. En outre, nous rêvons à tout moment. Nous mettons tout en oeuvre pour réaliser un rêve et lorsqu'il se réalise, nous disons vivre une vie de rêve. Une question devrait cependant nous interpeler. Sommes-nous quelque chose de plus que tous ces jeux de l'éphémère? Bien que nos rêves nous propulsent dans la réalisation notre vie, qu'en est-il de la réalisation de notre Être?


LA DÉSIDENTIFICATION

Les personnes qui méditent le moindrement témoignent que les pensées sont des projections sur l'écran de la conscience. Ainsi, dès que la vigie du Soi s'estompe quelque peu, les projections reprennent leur droit de cité sans égard à l'état de veille ou de rêve. Nous disons rêvasser ou être dans la lune.

Toutefois, ce qui rehausse l'état de veille est la présence du Soi doté de son extraordinaire faculté à se distancer de l'activité mentale. De surcroit, il peut réorienter le cours des pensées de manière à être de moins en moins affecté par ces dernières. Le rêve ne le permet pas, raison pour laquelle nous ne faisons qu'un avec nos pensées.

Être dans le moment présent dans la méditation, c'est observer attentivement toute l'activité mentale, voire chaque pensée, chaque sentiment sans pour autant y adhérer. Nous appelons cet exercice la phase de recul et de désidentification du mental. Il s'agit, entre autres, de s'extraire du jeu de la personne de manière à prendre pleinement conscience que nous sommes autre chose que tout cet amas hétéroclite de pensées et de croyances qui nous enferment le plus souvent dans des mécanismes mentaux redondants et pas nécessairement créatifs.


LA LIBÉRATION DU SOI

Comme aide à la méditation, il y a la respiration qui libère quelque peu le Soi de l'emprise de la psychée. Prendre une bonne respiration, garder l'air quelques secondes, puis expirer lentement. Répéter l'exercice si nécessaire. Sans tarder, une chose importante se dégage.

Au début des respirations, la conscience commence à se libérer de la prédation exercée par le mental dont l'effet se traduit par une sorte de vacuité intérieure. Ce vide, cette absence de pensée, est le premier marqueur de la conscience libérée.

Porter ensuite attention sur le Cœur qui est le centre énergétique de tous les corps subtils. Nous assistons alors à l'éveil du Soi, et même l'émergence d'une Présence immobile, d'une Identité exclusive dont rien ne peut être dit. C'est une Présence consciente qui traduit, en quelque sorte, la réunification du corps, de l'âme et de l'Esprit. Voilà donc ce que nous Sommes avant toutes expériences. Il va sans dire que cette Présence intérieure demeure inqualifiable, raison pour laquelle le mental superficiel se dit incapable de l'appréhender.


ÊTRE SOI

Bien que furtive à ses débuts, l'expérience du Soi sonne le renouveau de la conscience et surtout le réveil à ce qu'elle Est. Il s'agit bien du dévoilement de notre nature première et insondable, et non le personnage que l'on croit être.

Être Soi, c'est se maintenir transitoirement dans son essence initiale. C'est rester tranquille à toute quête dite spirituelle du seul fait que l'on a trouvé ce que l'on Est.

Il est avisé de ne pas confondre le Soi avec la partie extrêmement lumineuse de notre Être. Il en est toutefois une approche mystique. Le Soi est de nature hautement spirituelle, une expérience à la fois profondément personnelle, suprasensible, pour ne pas dire indéfinissable. Nous ne pouvons qu'en témoigner.

Le point de vue, qui émanait depuis la personne (le «je»), s'est maintenant déplacé dans le Soi, offrant à l'observateur une atmosphère beaucoup plus dégagée. C'est la raison pour laquelle le Soi offre la perspective élargie du sage caractérisé par un jugement droit et réfléchi, conforme à la mesure et au bon sens. Dans la tourmente, le Soi ne se laisse jamais entrainer dans les eaux profondes de la religion, de la morale, du jugement et de l'intolérance.


LA GOUVERNE INTÉRIEURE

Ce que l'on perçoit comme vide intérieur, le néant pour d'autres, est bien l'absence de point d'ancrage intérieur. Rappelons que le Soi est le siège de la volition, de l'autodétermination et de la gouverne intérieure, raisons pour lesquelles il faut se demander régulièrement: qui dirige en nous. Le corps, le mental ou le Soi?

Nous apprenons par expérience que le mental fait tout ce qui est en son pouvoir pour que jamais nous ne soyons immobiles, et ce, de manière à éluder le Soi. Il sait d'instinct que si le Soi est vécu, il perdra sa prééminence et son pouvoir d'action.

Tant que nous ne sommes pas installés dans la plénitude du Soi, il nous est difficile de faire usage régulier de nos facultés spirituelles. Pour certaines personnes, le Soi est naturel. Pour d'autres, le dévoilement peut représenter un cheminement sur plusieurs années de méditation et de travail intérieur.

Tout compte fait, gardons à l'esprit que «l'éveil du rêve» est suscité par un réel face-à-face avec nous-mêmes, par la reconnaissance de quelque chose qui a toujours été déjà là, en arrière-scène, une faculté immatérielle dont nous nous sommes éloignées au sortir de l'enfance par éducation, par insouciance et par identification au monde extérieur.

Qu'on se le tienne pour dit. Quand le rêveur s'éveille réellement, le rêve prend fin laissant derrière lui tout un pan de son histoire et de sa vie éphémère pour ne conserver que l'Essentiel. Il en est ainsi de la Libération de l'Être, un état bien au-delà de la liberté.

Yvon Gagné


Les rêves peut nous faire parcourir mers et monde en quête
de simples sentiments d'évasion. Or, il n'y a qu'un
seul endroit où l'on peut être Soi.


er"> À défaut de connaitre le Soi, aucun objet, aucun titre,
aucune fonction si honorable soit elle,
ne peuvent définir qui tu Es.


Les croyances nous inscrivent dans des histoires et ne font
qu'entretenir le rêve. La plénitude vient du regard
intérieur et de l'émergence du Soi.