LA PEUR DE SOI



INTRODUCTION

La peur de soi sur le plan spirituel est le malaise que l'on ressent lorsque l'on se retrouve seul. Ça peut être l'ennui, le sentiment d'abandon, de rejet ou de solitude. D'autres sentiments plus profonds comme la culpabilité, le souvenir des amours ou des espoirs déchus, le désillusionnement de la vie peuvent nous hanter constamment.

Pour toutes sortes de raisons, certaines personnes ne peuvent absolument pas demeurer seules plus d'une certaine période de temps seul chez elle, car la trouille les envahit totalement.


LES FAUX-FUYANTS

Pour s'évader de leurs angoisses, beaucoup vont aller voir d'autres personnes, aller dans des endroits publics, acheter des tas de choses, se distraire, se divertir, enfin, tous ces simulacres pour projeter et maintenir leur mental vers l'extérieur d'eux-mêmes. Chez certains, après une dure épreuve, vont se jeter à corps perdu dans un travail afin d'oublier un peu ce qu'ils ont à vivre. N'ayant pas de choses à faire ou d'endroit à aller, d'autres vont ouvrir la télévision ou la radio, ou encore mettre de la musique forte. Si cela ne suffit pas, beaucoup vont fumer des tas de cigarettes, boire de l'alcool, prendre des médicaments ou consommer des drogues. Dans des cas extrêmes, certains peinent à se débarrasser de leurs pensées suicidaires et doivent demander de l'aide.

Même si l'on pense n'éprouver aucune pathologie, il suffit de gratter un peu le vernis de l'image de soi pour découvrir que l'on a une appréhension du vide intérieur qui nous habite, nous avons peur du noir, du néant, des petits bruits, quand ce n'est pas le spectre du manque d'argent et de la mort.

Qui ne craint pas de se retrouver seul un jour sans conjoint, sans enfant, sans ami? Combien de relations amoureuses sont complètement étouffées par la jalousie? Qu'il y a-t-il derrière ceux et celles qui essaient de contrôler tout leur environnement extérieur aux dépens de leur propre vie? C'est de cette manière que nous détournons toutes nos énergies vers l'extérieur avec le lot de vicissitudes et de dépendances qui s'y rattachent. Or, ce détournement de conscience nous prive d'une réelle Présence intérieure et d'une autonomie vraiment indispensable à notre stabilité mentale et émotionnelle.


LES REGUGES

L'une des raisons pour lesquelles les mouvements à caractère spirituel deviennent si attrayants, c'est qu'ils offrent un baume à la peur de soi. Ils sont généralement équipés d'un comité d'accueil qui inonde les nouveaux arrivants de fraternité, de reconnaissance et de valorisation, ce qui a pour effet de leur faire oublier l'isolement spirituel dont ils sont l'objet, du moins, à court terme. On les intègre ensuite dans un rituel d'initiation qui aura pour conséquence que chacun s'identifiera entièrement à cette énergie forcément plus grande qu'eux-mêmes. L'homme est un être sociable pour bien des raisons.

Cet article ne prêche pas contre la vertu. Mais, ce qu'il faut savoir, c'est qu'aucune religion, aucun mouvement spirituel ou social ne peuvent étancher pour de bon la soif de l'isolement spirituel. L'isolement spirituel ne se règle pas par une appartenance à quelque chose d'extérieur à soi. Les pratiques rituelles récurrentes, les prières, les mantras, les protocoles sont tous des simulacres éludant le Soi, astreignant la conscience à se retourner sur elle-même.

La preuve, lorsqu'un adepte quitte quelques mouvements que ce soit, il se retrouve avec les mêmes problèmes que tout le monde, quand ce n'est pas davantage. L'énergie du groupe, le regard des autres, les affectations ont pour effet de nous renforcer sur le plan personnel avec la contrepartie de nous éloigner de l'essentiel. Quoi que nous fassions dans la vie, nous ne faisons que passer d'un paradigme à un autre, d'un système d'illusions à un autre qui, au départ, peut sembler époustouflant, mais ne permettrons jamais de sortir de notre enfermement.


L'ISOLEMENT SPIRITUEL

La peur de soi vient initialement de notre isolement spirituel. Notre conscience est coupée de son étincelle de Vie en Absolu. Par voie de conséquence, nous errons dans un vide existentiel où le besoin d'amour, de reconnaissance et de valorisation est impératif.

Puisque la nature a horreur du vide, nous nous développons une personnalité en réponse à ce néant omniprésent. Entre autres, nous sommes des vacuums ambulants, toujours avides de plénitude. Nous allons fantasmer sur toutes sortes de projections fantasmagoriques, sur des amours fusionnels, des événements en provenance de l'extérieur qui vont miraculeusement changer le cours de notre vie.

C'est un fantasme que de croire que notre vide intérieur peut être comblé avec celui d'une autre personne. Le vide intérieur doit être conscientisé et affronté soit en thérapie ou en méditation. En méditation, l'observation soutenue du vide intérieur a pour effet de l'apprivoiser et de le dissoudre. Il s'agit en effet d'un retournement de la conscience vers l'intérieur provoquant un face à face avec soi-même. Une fois le vide apprivoisé, l'observateur se rapproche graduellement du Soi dans une atmosphère de sérénité et de Présence intérieure.


L'APPROCHE DU SOI

On pourrait comparer le Soi à un satellite situé en orbite autour de la terre. Le satellite s'est affranchi en très grande partie de l'emprise de l'attraction terrestre, mais demeure tout de même en orbite autour de la terre, dont tout ce qui est à l'intérieure est en état d'apesanteur.

Par analogie, se retrouver dans le Soi, ne serait que quelques instants, est un peu comme se retrouver en suspension à l'intérieur de nous-mêmes. Cette apesanteur s'accompagne également d'un état de neutralité, de fluidité, d'unité, de paix et de sérénité. Pour le mystique, c'est une invitation à se poser là où est son essence.

L'approche de notre intimité ne peut se réaliser tant qu'il y a la moindre peur à l'intérieur de nous. Une fois les angoisses apprivoisées et la conscience intériorisée, le Soi peut commencer à briller par sa présence immobile.

Rappelons simplement que le Soi se conçoit lui-même comme distant du corps, du mental et de tout ce qui l'entoure. Ainsi, la vie se déroule selon les lois du Soi et de l'instant présent, et non plus au sein de la dualité.

Yvon Gagné


Les manoeuvres d'évitement de la méditation ne sont que
des mécanismes de diversion de l'égo ne pouvant
affronter ses propres créations illusoires.


La peur du vide nous renvoie nécessairement à notre réalité
éphémère entrevoyant sa propre disparition.


On apprécie vraiment la solitude
quand on ne se sent plus seul.