LA MORT



Tout le monde accepte la naissance et la vie qui s'en suit, mais la mort, qu'en est-il. Nous savons tous que la naissance et la mort font partie d'un cycle régissant le complexe éphémère. Ces cycles peuvent varier énormément d'une espèce vivante à l'autre, mais tous sont programmés pour disparaitre un jour ou l'autre.

Étant donné ce constat, pourquoi avons-nous peur de mourir? Il est vrai que la peur est inscrite dans nos gènes à l'instar des animaux, mais ces derniers n'appréhendent pas la peur comme la plupart des êtres humains. À elle seule, la peur de disparaitre fait remonter à notre conscience les aspects fragmentaires et illusoires de la personnalité dont les assises ne reposent que sur la témérité de l'égo en herbe.


Depuis l'enfance, la conscience s'est construit une personnalité, un masque, voire un personnage qui est devenu, par identifications constantes, bien plus réel qu'il ne l'est en réalité. Cette personnalité illusoire ne tient sur rien d'autre que sur des projections, comme l'illusion d'être une personne à part et bien différente des autres. La moindre reconnaissance la propulse facilement au-dessus de la masse indifférenciée, puis la témérité lui suggère une certaine forme d'immortalité, ou du moins de vivre comme si elle l'était.

La personnalité aime aussi assurer sa pérennité, dans sa descendance, dans sa renommée, dans les histoires populaires, dans les monuments commémoratifs qui immortalisent, en quelque sorte, l'authenticité de son personnage. Il appert que la personne mettra tous les moyens mis à sa disponibilité pour perpétuer sa présence et son statut dans l'illusion collective.

Mais la maladie fait imploser tout cet artifice et le spectre de la mort est encore plus bouleversant en laissant entrevoir à la conscience qu'elle s'est identifiée à un personnage qui n'existe pas vraiment. Humilité oblige, cette fatalité fait un véritable pied de nez à l'orgueil, à l'arrogance, à la pensée toute puissante en passant par le sentiment d'invulnérabilité. L'avènement de la mort met ainsi un terme à l'illusion de soi et à toutes ses prétentions.

Évidemment, la peur de disparaitre n'est-il pas lié à la séparation, à la fragmentation de l'être, voire même l'absence d'une réelle Présence intérieure soutenant l'expression de la Vie?


Après le grand départ, le corps disparait selon nos procédés d'inhumations. L'âme, toujours inscrite dans la causalité, poursuit alors son parcours toujours impulsé par sa nature vibratoire.

À ne pas confondre l'âme et l'Esprit divin. L'âme est un intermédiaire entre l'univers matériel et spirituel, entre la pensée et l'Esprit divin. L'âme n'est toutefois pas immortelle, mais elle peut exister sur une échelle de temps considérable par rapport à nos références de vie terrestre, raison pour laquelle les religions la croient immortelle. L'âme devient immortelle seulement lors du dévoilement de l'Esprit Divin Éternel, un préalable à la fusion avec cette dernière.

Tant que nous n'avons pas résolu la question essentielle: qui suis-je, nous ne pouvons discerner clairement ce que nous Sommes de ce que nous ne sommes pas. Tant que nous n'avons pas vécu le dévoilement de notre Être, ou du moins réalisé le Soi, nous demeurons identifié à notre personnage éphémère.

À défaut d'une profonde introspection, d'un retournement de l'âme vers l'Esprit, jamais nous ne pourrons faire contrepoids à ce monde voulant nous faire adhérer à des histoires, à des émotions, à des croyances, en passant bien sûr par des valeurs communes. Jamais nous ne pourrons trouver par nous-mêmes l'une des plus grandes vérités spirituelles et pourtant essentielle: «Vous n'Êtes pas de ce monde»

Le spectre de la mort fait peur à tout ce qui est éphémère, particulièrement à la personne, parce qu'elle sait au fond d'elle-même qu'elle va disparaitre un jour. Toutes les prétentions d'un soi-disant statut ou titre s'estompent dès la mise à nu de la personnalité. Ultimement, certains retrouveront leur humanité en ces moments tragiques. En fin de compte, c'est toujours la peur de la mort qui propulse la supposée courageuse lutte contre la maladie et la défiance de la mort.


À l'inverse, le Soi ne s'oppose pas aux lois de l'éphémère au risque de les alimenter éperdument. Il entretient plutôt un regard lucide sur ce qui ne fait que passer sans toutefois interférer. Autant que possible, il demeure immobile au Cœur de la Psychée, tourné vers la Lumière, dégagé en grande partie de l'envahissement des pensées. Pour le reste, le devenir de ce corps et de ses attachements ne le concerne plus.

Ceux et celles qui réalisent leur Être, en jonction avec leur Partie Divine, épousent d'emblée les attributs de Lumière et d'Éternité de leur Contrepartie spirituelle. Ils continuent à vivre en ce monde sans toutefois participer aux illusions qui le maintient en mouvement. Même si le corps retourne à la terre, la mort n'existe donc pas pour le Soi qui est, à vrai dire, une projection de sa Nature profonde.

Yvon Gagné


Il s'agit de méditer quelques minutes dans un cimetière pour comprendre
que les mondes d'hier, d'aujourd'hui et de demain partagent
la même destinée. Tout passe et tout trépasse.


La peur n'est issue que de l'ignorance, non pas
d'une cause, mais de ce que tu Es.


Que ce soit dans cette vie ou dans l'au-delà,
l'être n'emporte que ce qu'il a trouvé.
Encore faut-il qu'il se soit trouvé.